André Gorz, vers une écologie émancipatrice par Rino Noviello
Il me semblait que les transitionnaires pouvaient trouver un intérêt pour les idées d’André Gorz, car sur bien des aspects, celles-ci rejoignent celles du mouvement de la transition. Est-ce la naissance d’une petite rubrique « portrait inspirant » dans le journal de Mons en transition ? Seuls les retours des lecteurs nous le diront. Petit aperçu d’une pensée radicale.
Qui était donc André Gorz ?
Né à Vienne en 1923, philosophe autodidacte, ingénieur chimiste de formation et journaliste pour « gagner sa vie », ce penseur ne correspond pas au modèle classique de l’intellectuel universitaire. Il développa une écologie humaniste reliant les questions sociales et écologiques dans un souci permanent de la qualité du milieu de vie dans lequel les Hommes évoluent. Pour lui, l’écologie n’est pas une simple défense de la nature, mais d’abord un mouvement culturel.
Les limites
« Tant qu’on raisonnera dans les limites de cette civilisation inégalitaire, la croissance apparaîtra pour la majorité des gens comme la promesse – pourtant entièrement illusoire – qu’ils cesseront un jour d’être « sous-privilégiés ». Aussi n’est-ce pas tant à la croissance qu’il faut s’attaquer qu’à la mystification qu’elle entretient, à la compétition qu’elle organise en incitant les individus à vouloir, chacun, se hisser « au-dessus » des autres. La promesse de Gorz est donc un projet d’émancipation individuelle et collective et une invitation à sortir de la religion de la croissance et de la technoscience.
Le constat
Pour André Gorz, tout s’oppose dans notre système actuel à l’autonomie des personnes et à leur capacité à réfléchir sur la manière d’éliminer les gaspillages, d’économiser les ressources, d’élaborer une norme commune du suffisant. La mise en place d’un modèle de vie visant à faire plus et mieux avec moins, suppose de changer cette société où l’on ne produit rien de ce que l’on consomme et où l’on ne consomme rien de ce que l’on produit. Les producteurs et les consommateurs sont séparés et tous les biens et services sont produits sur le seul critère de la rentabilité. La possibilité de l’autoproduction pour l’autoconsommation semble hors de portée, non encouragée et ridiculement archaïque – à tort diront les transitionnaires.
Le dépassement
Gorz considérait la sobriété comme une nécessité pour lutter contre la misère. L’énergie étant limitée, la surconsommation des uns condamne les autres à la privation. En assurant à chacun l’accès à l’énergie qui lui est nécessaire, le principe de sobriété empêche les surconsommations injustes et polluantes. Cela devient une question d’éthique et de morale.
Selon André Gorz, la solution à nos problèmes existentiels n’est pas en nous-mêmes, mais dans le dépassement de nous-mêmes par la mise en place d’actions qui laissent des traces objectives et concrètes. Ces actions amènent à poser les questions suivantes : est-il vraiment nécessaire de produire comme nous produisons et est-il vraiment nécessaire de produire ce que nous produisons ?
La réponse
En réponse à cette situation, le mouvement écologiste et dans sa foulée le mouvement de la transition se sont construits avant tout comme un rassemblement d’hommes et de femmes souhaitant se réapproprier leur vie et leur milieu de vie afin de le soumettre à leur propre décision, à s’en rendre maîtres. Ils sont porteurs d’une pratique d’émancipation face à toutes les formes d’humiliation et d’aliénation que nous imposent la standardisation du travail, la technicisation des modes de vie et le fonctionnement notre société marchande
Bonne utopie, mauvaise utopie
Gorz soulignait qu’il y a une bonne et une mauvaise utopie. La mauvaise utopie c’est celle qui vise la perfection, la société sans drame et hautement harmonieuse. C’est le meilleur des mondes. La bonne utopie, c’est la conscience de ce qui pourrait devenir possible grâce à nos actions. C’est le projet transitionnaire d’un monde meilleur.
André Gorz milite pour une société détendue où les rapports marchands ne dominent pas et où l’épanouissement culturel, intellectuel, physique et spirituel des individus serait le but de toute activité et où il faudrait redonner du temps aux individus, car selon lui, le temps libéré est une richesse qui a une valeur existentielle inestimable.
A lire, pour en savoir plus sur la pensée d’André Gorz « Le fil rouge de l’écologie » aux éditions EHESS et à écouter une émission qui lui est consacrée par Là bas si j’y suis http://bit.ly/1HXWcZu